Depuis le début de la compétition, la France était montrée du doigt pour ses entames de match décevantes, voire catastrophiques. A Cardiff, les Bleus ont signé leur meilleur début de match du Tournoi. Menant rapidement 3-0, ils avaient même une occasion en or de prendre le large à la 20ème minute après une superbe combinaison en touche, envoyant Servat filer le long de la touche. Mais le talonneur toulousain, pour son dernier match en Bleu, était stoppé sur les 22 mètres gallois, les Français devant alors se satisfaire de cette maigre avance. Un tournant dans cette rencontre, car les Diables Rouges, eux, deux minutes plus tard seulement trouvaient la faille sur un contre assassin.
Après une récupération des avants du XV du Poireau, Cuthbert, servi à 40 mètres des perches tricolores, et collé à la ligne de touche droite, se faufilait d'abord dans un trou de souris avant de mettre les cannes et de passer en revue la défense tricolore pour aller à dam sous les poteaux. Une banderille plantée au meilleur des moments, mettant un coup au moral de Français. Face à un gros rythme et une énorme intensité imposés par leurs adversaires, les Tricolores faisaient parler leur défense, grosse satisfaction de la rencontre, pour contrer la furia d'une équipe ayant le Grand Chelem en point de mire.
Pourtant, une pénalité de Halpenny à la 33ème, après deux tentatives avortées par les poteaux, permettait aux hommes de Warren Gatland de rentrer aux vestiaires avec sept longueurs d'avance, 10-3, au terme d'un premier acte nettement à leur avantage… bien aidés par des Tricolores leur rendant un (trop) grand nombre de ballons. Plus entreprenants à l'entame de la seconde période, les Français parvenaient à inquiéter leurs adversaires, toujours dominateurs en termes de possession, en jouant leur va-tout sur chacune de leurs occasions.
Une entame pourtant réussie
Une tentative de drop de Beauxis… trois occasions d'essais, d'abord par Buttin bien servi au pied par l'ouvreur toulousain, au gré d'une énorme séquence de pick and go ensuite, par Harinordoquy dans les dernières minutes enfin… Malheureusement, toutes ces initiatives restèrent stériles, empêchant les Bleus de faire leur retour. D'autant qu'à chaque pénalité inscrite (Beauxis à la 45ème, puis Yachvili à la 74ème), l'artificier local, Halfpenny, faisait parler la poudre en répondant du tac au tac et redonnant immédiatement sept points d'avance aux Diables Rouges.
Sur un énième turnover, les Gallois pouvaient dégager en touche et libérer tout un peuple, voyant ses joueurs remporter le match, le Tournoi et signer le Grand Chelem. Une fin de compétition qui offre au XV du Poireau un immense bonheur, aux tricolores une grosse désillusion et laisse de nombreuses interrogations en suspens. Avec deux victoires pour entamer la compétition, aussi poussives fut-elles, les Français démarraient positivement le tournoi, avant de connaitre un coup d'arrêt avec le nul concédé à l'Irlande, et de finir sur une mauvaise note avec deux défaites consécutives.
Si le bilan comptable n'est pas bon, la France terminant à la quatrième place du classement, il ne l'est pas moins en termes de jeu. Des entames de rencontres manquées, des absences défensives, une réussite au pied fuyante par moment, des pertes de balle malvenues… il y a eu beaucoup de zones d'ombres durant la compétition, et toutes n'ont pas été éclairées, loin de là. Il faut pourtant relativiser tout cela. D'abord parce qu'il s'agit de la première campagne d'une équipe aux mains d'un nouveau sélectionneur, ensuite car il aura fallu digérer une finale de Coupe du Monde en Nouvelle Zélande au terme d'un Tournoi compliquée à gérer.
Des motifs d'espoirs
C'est en passe de l'être, car malgré des lacunes qu'il faudra rapidement combler, cette équipe a un potentiel indéniable et offre des garanties solides pour l'avenir. D'abord car elle aura su montrer durant toute la compétition un moral à toute épreuve. Un mental qui lui aura permis de maintenir l'Italie et l'Ecosse à distance, de revenir sur l'Irlande et d'inquiéter l'Angleterre ensuite, de tenir la dragée haute au favori de la compétition, qui plus est invaincu et en route pour le Grand Chelem enfin.
Ajoutons à cela le réalisme de l'attaque tricolore en début de compétition (moins par la suite), mais qui confirme que les bases sont là. Ensuite, saluons les cadres, à l'image d'Imanol Harinordoquy parfait de la première à la dernière journée, qui répondent toujours présents. Au rayon des cadres, trois d'entre eux ont joués leur derniers matches sous le maillot tricolore, Lionel Nallet face à l'Angleterre le week-end dernier, William Servat et Julien Bonnaire ce samedi. Merci à vous messieurs qui avez offert de belles heures au rugby français.
Soulignons enfin l'émergence d'une nouvelle génération qui aura réalisé une arrivée tonitruante dans ce groupe France. Un vent de fraîcheur incarné par Yoann Maestri, superbement installé en deuxième ligne et qui semble avoir signé un bail longue durée avec les Bleus, comme Wesley Fofana, LA satisfaction de cette équipe, auteur de quatre essais lors de ses quatre premiers matches mais resté muet à Cardiff. Soulignons aussi que son partenaire de club, Jean-Marcerllin Buttin, appelé de dernière minute et qui aura joué un peu plus d'une mi-temps, aura signé une première sélection très prometteuse.
Le nouvel âge d'or gallois ?
Les motifs d'espoirs sont donc bien réels, mais demandent à être confirmés. La tournée d'été et celle d'automne seront là pour ça, avant d'aborder la prochaine édition des VI Nations, où les Bleus devront logiquement jouer un tout autre rôle, et réussir une bien meilleure campagne. Saluons pour finir la victoire de cette équipe galloise qui séduit tous les observateurs depuis deux ans, et qui réussit là une performance logique et historique, pour leur pays, mais également dans l'histoire de la compétition.
En effet, en signant le 11ème Grand Chelem du Pays de Galles, la bande du capitaine Sam Warburton devient l'une des plus jeune à réaliser cet exploit (avec une moyenne d'âge de 25 ans), et avec le troisième depuis 2005, devient la première formation du Tournoi à réussir un sans faute depuis que six équipes bataillent pour la victoire en 2000. Les Diables Rouges ont donc lavé l'affront de la demi-finale de Coupe du Monde d'Auckland (victoire des Bleus 9-8 le 15 octobre 2011) et confirment tous les espoirs placés en eux. Pour cette équipe aussi les enjeux futurs sont nombreux, car victorieux cette année, ils auront un titre et un statut à défendre, et comme on dit souvent, le plus dur n'est pas d'arriver au top, mais d'y rester.
Tous auront logiquement en tête l'âge d'or du rugby gallois, où lors des années 70, les Gareth Edwards, JPR Williams, Barry John ou autre Gerald Davies illuminèrent le rugby européen de leur talent avec notamment huit succès en 10 éditions du Tournoi, dont 10 Grand Chelem (71, 76 et 78). Le défi est immense, et y penser est peut-être déplacé, mais avec les nombreuses pépites qui composent ce groupe (Roberts, Davies, Priestland, Warburton, Philips, Faletau, Cuthbert, North ou Halfpenny), les succès futurs ne devraient pas être rares.
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